Tantamount Finance : Quand la haute finance genevoise blanchit l’argent sale de la mafia calabraise

Finance : Quand la haute finance genevoise blanchit l’argent sale de la mafia calabraise

Des produits structurés adossés à la mort : le scandale silencieux du siècle

À Genève, au cœur de l’une des places financières les plus surveillées du monde, un réseau de produits structurés a servi de cheval de Troie au blanchiment d’argent de la mafia italienne.

Au centre de ce système : Tantamount Finance, société discrète mais influente, spécialisée dans la titrisation de créances hospitalières italiennes, notamment en Calabre — région gangrenée par la ’Ndrangheta.

Des fausses factures, des ambulances, des cercueils… et des obligations cotées

Le montage est aussi ingénieux qu’effrayant : des sociétés de santé liées à la mafia — comme Croce Rosa Putrino SRL, une entreprise de pompes funèbres et d’ambulances — facturaient des prestations médicales à des hôpitaux calabrais infiltrés. Ces factures, ensuite revendues à des intermédiaires financiers, étaient emballées dans des véhicules ad hoc (SPV), avant d’être transformées en obligations de rendement proposées à des investisseurs suisses, luxembourgeois ou asiatiques.

Le résultat ?

Un milliard d’euros de titres « propres », adossés à des morts, des malades, et des services fictifs.

Des investisseurs de bonne foi, des fonds de pension, des banques privées — et une chaîne de blanchiment totalement fonctionnelle.

La FINMA regarde ailleurs : “un défaut de due diligence”

Malgré les multiples alertes, les connexions connues avec des sociétés de façade utilisées par la mafia, la FINMA — l’autorité de surveillance suisse des marchés financiers — n’a infligé aucune sanction.

Sa conclusion ? Il ne s’agit pas de blanchiment, mais d’un simple défaut de diligence raisonnable.

Un raisonnement qui scandalise plusieurs magistrats européens : comment admettre qu’un véhicule financier genevois, adossé à des factures frauduleuses d’hôpitaux placés sous tutelle pour infiltration mafieuse, puisse être qualifié de simple imprudence ?

Une santé publique en ruine, une mafia en pleine forme

Pendant que les investisseurs percevaient des coupons confortables, les hôpitaux calabrais s’enfonçaient. Des nouveaux-nés placés dans des incubateurs défectueux, des ambulances sans matériel, des patients abandonnés, des corps vendus comme des actifs.

Calabre affiche aujourd’hui l’une des espérances de vie en bonne santé les plus basses d’Europe : 52,9 ans, contre 70 ans à Bolzano. L’argent détourné ? Il transite entre Genève, Milan, Londres et Luxembourg — lavé, poli, prêt à réinvestir.

Et maintenant ? Rien.

Malgré les enquêtes menées par le procureur Gratteri, les centaines d’arrestations, et la mise sous tutelle des autorités sanitaires calabraises, les produits structurés de santé italiens continuent d’être vendus.

Certains professionnels du secteur financier s’en désolidarisent, mais d’autres continuent d’acheter, en fermant les yeux sur l’origine des flux.

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